Le Sperrin, répondant aux spécifications B.14/46 moins contraignantes, était un appareil très imposant à aile droite très classique dont la soute avait été conçue pour transporter la bombe atomique britannique. Ce projectile ne faisait pas moins de 7,35 mètres de longueur ! La taille de sa soute à bombes était telle que l’installation de son aile droite en position haute s’était imposée d’elle-même. La seule originalité du SA.4 résidait dans la disposition des réacteurs. Rappelons qu’à l’époque, le Boeing XB-47, beaucoup plus évolué avec ses minces ailes en flèche, avait déjà effectué ses essais en vol et la production en série en était commencée. En France, le Sud-Ouest SO-4000 vola six mois avant le Sperrin mais était plus petit et ne put être mis en service pour des raisons techniques et financières. La France abandonna d'ailleurs les bombardiers stratégiques jusqu'à l'arrivée du Mirage IV dans les années 60.

Le Sperrin aurait d’ailleurs pu être équipé tout aussi bien de moteurs à hélices comme le permettaient son aile implantée haute, son fuselage ventru, son empennage classique et sa garde au sol. En fait, on l’équipa de quatre turboréacteurs Rolls-Royce Avon RA.2, implantés par couples l’un au-dessus de l’autre dans deux fuseaux traversés par l’aile.

Cette disposition présentait l’avantage de ne pas affecter les longerons, de simplifier la construction et de faciliter la maintenance. Par contre, elle avait un inconvénient. Elle obligeait à utiliser un train d’atterrissage de grande taille qui devait s’escamoter dans l’épaisseur de l’aile. Pour couvrir la distance franchissable requise, le SA.4 ne renfermait pas moins de 14 réservoirs totalisant 28 150 litres de carburant. Un système automatique gérait les niveaux de carburant afin de ne pas modifier la position du centre de gravité.

Le premier SA.4 quitta les ateliers dans les tous premiers jours de 1951. Une fois achevé, ce prototype fut transporté sur la base d’Aldergrove, car la piste de Belfast n’était pas assez longue. Après avoir été ré-assemblé, le SA.4 s’envola pour la première fois le 10 août 1951 aux mains de Tom Brooke-Smith, trois mois après le Valiant qui fut donc le premier bombardier à réaction Britannique. Cependant, dès son premier vol, on savait déjà que le programme Sperrin n’avait aucune chance de déboucher sur une série.

Le second prototype arriva à Aldergrove en août 1952 et vola un an après le premier Sperrin, le 12 Août 1952, et dès lors, les deux appareils furent utilisés pour la recherche en vol, l’expérimentation des nouveaux systèmes de bombardement et le largage de maquettes de missiles air-sol.. Le deuxième Sperrin bénéficiait de réacteurs Avon RA.3 plus puissants, mais à part cela, rien ne le différenciait du premier prototype.

Le premier prototype gagna alors Farnborough pour évaluer le radar de navigation des Vulcan, Victor et Valiant. Le second avion fut envoyé à Woodbridge pour tester des charges militaires comme la bombe nucléaire « Blue Danube ». Quelque temps après, le second avion fut lui aussi envoyé à Farnborough. C’est là que fin 1955, il fut victime d’un accident et fut « cannibalisé » en 1956 au profit du premier prototype. Celui-ci servit de banc d’essais volant pour le nouveau réacteur De Havilland Gyron de 6,8 tonnes de poussée. Son Avon inférieur gauche fut remplacé par un Gyron et l’avion vola ainsi le 7 juillet 1955.

Les essais se poursuivirent jusqu’en mars 1956, époque à laque le l’avion fut renvoyé chez le constructeur pour recevoir deux Gyron de 9,5 tonnes de poussée. Ainsi motorisé, le Sperrin prît l’air à nouveau le 26 juin 1956. Il vola jusqu’à l’automne 1957 époque de l’abandon du projet du Hawker P.1121 à réacteur Gyron.

Ainsi prit fin l’obscure carrière de l’unique bombardier à réaction de Short. Ce n’en fut pas moins une belle réussite si l’on considère la régularité du déroulement de ses essais en vol. Tout en lui se révéla conforme aux prévisions: pas de défauts sérieux, une bonne maniabilité en altitude, une gamme de vitesses tout à fait honnête pour sa taille, sa puissance et son aérodynamique.

Quant aux V-Bomber retenus pour la construction en série, l’Avro 698 réalisa son vol inaugural le 30 août 1952 et le H.P.80, le 24 décembre 1952. Le Valiant commença à sortir des chaînes de production en 1954 et sera produit jusqu’en 1957.

En 1955, le premier escadron nucléaire de Grande-Bretagne, le Squadron 49, est équipé du Valiant de Vickers. En 1956, les escadrons n° 7, 148, 207 et 214 de la RAF sont à leur tour équipé du Valiant. En 1957, le Vulcan entre en service avec l'OCU 230 (Operational Conversion Unit) à Waddington suivi par le Victor en novembre 1957. Les Valiant seront retirés du service en décembre 1964, les Vulcans en 1984 et les Victors en 1993.

Sources :

Vickers Valiant
Britain's Nuclear Weapons : From MAUD to Hurricane
Britain's Nuclear Weapons : British Nuclear Testing
Royal Air Force History
Royal Air Force History : Vickers Valiant
Avro Vulcan